vendredi 13 avril 2018

Compte rendu de l'article "La FAQ des 'Illuminations' " d'Alain Bardel (deuxième partie)

Dans une première partie, j'ai traité de la première question de la F. A. Q. proposée par Alain Bardel. La conclusion à laquelle j'en suis arrivé, c'est qu'il est impossible d'affirmer que le recueil des Illuminations se compose exclusivement de poèmes en prose et de poèmes en vers libres nouveaux du type "Mouvement" et "Marine". Visiblement, puisque Bardel en rend compte, les "ouvrages fondamentaux" n'ont pas posé le problème du dossier des "illuminécheunes" en 1878. C'est arbitrairement que les rimbaldiens prétendent que le dossier de poèmes en vers "seconde manière" n'a pas la même provenance que celui des manuscrits des poèmes en prose. En effet, peu importe que, avant 1878, les deux dossiers aient une genèse différente. La question qui appelle une réponse est la suivante : est-ce que, oui ou non, le dossier remis par Charles de Sivry à Verlaine contenait des manuscrits de poèmes en vers seconde manière et des poèmes en prose ? Moi, je pense que oui, ce qui élimine pas mal de difficultés. Autre point important, Verlaine n'a publié aucun poème seconde manière dans Les Poètes maudits, à l'exception de "Tête de faune" qui a toujours fait partie du premier dossier et il a uniquement cité un quatrain du poème "L'Eternité", ce qui n'impose pas l'idée qu'il avait besoin d'un manuscrit autographe sous la main pour le faire.
Ensuite, si j'ai émis l'hypothèse que, dans la tête de Verlaine, il se pourrait bien qu'il ait considéré qu'en 1875 Rimbaud n'envisageait de publier qu'un recueil de "poèmes en prose", ce qui expliquerait sa tendance à considérer que le titre vaut surtout pour les poèmes en prose, je n'affirme rien pour autant. Surtout, non seulement il ne s'agit que d'une hypothèse, mais Verlaine peut se tromper. Par exemple, en 1875, les poèmes en prose pouvaient être envoyés à Nouveau et réunis au dossier des vers "seconde manière".
Enfin, il y a un argument important pour prétendre que le recueil devait bien contenir les vers et les proses, l'argument selon lequel, finalement, les poèmes en prose auraient été écrits pour l'essentiel avant Une saison en enfer, mais ce sujet Bardel l'écarte de la première question. Il faudra attendre la troisième question de sa FAQ pour qu'il débatte du sujet.
Moi, ma réponse à la première question, c'est que je me considère incapable de trancher si oui ou non on a bien fait de mettre ensemble les poèmes en vers et les poèmes en prose dans un même recueil à l'origine, ni si on a bien fait de les séparer. J'ai l'impression que, malgré tout, Verlaine lui-même n'arrivait pas à trancher et que cela aurait dû rendre Bouillane de Lacoste plus prudent. En revanche, d'autant plus que les poèmes en vers se sont mélangés aléatoirement aux poèmes en prose dans les publications initiales, je remarque avec évidence que personne, pas même Verlaine, n'a considéré avoir un recueil où les poèmes suivaient une distribution ordonnée. Ils n'avaient que des liasses de feuillets manuscrits entre les mains.
"2) Le titre est-il Illuminations ou Les Illuminations?"
Pour la deuxième question, celle du titre du recueil avec ou sans article, elle est un peu à part. Bardel mobilise un tout autre article de Steve Murphy qui ne fait pas partie de la bibliographie des "ouvrages fondamentaux."
J'observe là un paradoxe. Alors que Bouillane de Lacoste est suivi sur tous les points par Bardel et Murphy sur tous les points, voilà que tous deux le contestent sur cet autre. Moi, mis à part l'étude graphologique, je mets en doute les certitudes de Bouillane de Lacoste et j'ai gardé un faible pour le titre sans article, d'autant plus que je pense que les écrivains du dix-neuvième siècle n'y attachaient pas une réelle importance, même si cela n'est pas complètement anodin.
Ceci dit, le recueil a été initialement publié avec l'article et pendant près de dix ans Verlaine n'a donc pas protesté : c'était Les Illuminations. En revanche, je suis surpris que le sous-titre soit passé à la trappe. J'observe d'ailleurs que Verlaine qui, nous l'avons déjà dit, n'a pas protesté pour le mélange des vers et des proses, fait remarquer qu'un sous-titre était prévu. Les éditeurs ont-ils fait comprendre à Verlaine que le sous-titre serait un très mauvais moyen de promotion ? La présence ou non du sous-titre a semblé accessoire, mais à la lecture de la correspondance de Verlaine et de cette préface il est difficile de ne pas lui attacher une relative importance. Il n'est nulle part dit que Rimbaud avait renoncé à ce sous-titre. Que du contraire ! Le problème, c'est que nous n'avons pas accès à un quelconque écrit de Rimbaud lui-même pour se faire une idée. Verlaine avait-il lu dans une lettre de Rimbaud : "Je mettrais en sous-titre à mon recueil 'coloured plates' ou bien 'painted plates' pour qu'on comprenne bien que le titre a un sens anglais." Sans certitude absolue, nous ne pouvons que nous en fier à Verlaine qui a dû considérer que la position de l'auteur n'était pas tranchée sur le sujet, la préface remédiant au défaut d'information pour le lecteur. Verlaine a avalisé le titre Les Illuminations, c'est effectivement celui qui doit s'imposer, même si je trouve la mention sans article plus intéressante et puissante, non pas à cause de l'anglicisme recherché, mais à cause aussi de la force de frappe. Ecrire "Méditations poétiques" ou "Les Méditations poétiques", ça n'implique pas les poèmes de la même façon.
Il faut peut-être renoncer à la belle du titre sans article, mais du coup à part la graphologie et les périodes de mises au propre des manuscrits il ne va rien rester des apports de Bouillane de Lacoste !

Nota Bene : dans son article, Bardel dit que ce n'est qu'à partir de 1949 que tout le monde a suivi Bouillane de Lacoste pour un titre sans article, à une exception près celle de l'édition de la Pléiade de Mouquet et Rolland de Renéville, sauf qu'une parenthèse nous informe qu'elle date de 1946. Du coup, je ne comprends pas très bien en quoi il y a exception. Je remarque aussi que Bardel maintient pour sa part l'idée du titre sans article dans la manière de rédiger son article, puisqu'il ne met pas l'article en italique quand il cite le recueil.

"3) Pourquoi les Illuminations figurent-elles après Une saison en enfer dans les éditions récentes de Rimbaud ?"
La troisième question renvoie encore une fois aux considérations éditoriales de Bouillane de Lacoste. C'est Bouillane de Lacoste qui a exclu les vers, sans que cela ne soit justifié comme j'y ai déjà répondu, qui a supprimé l'article au titre, et qui a lancé l'idée qu'il fallait placer le recueil des seuls poèmes en prose après Une saison en enfer.
Selon Bouillane de Lacoste, Verlaine a clairement dit que les poèmes en prose avaient été composés après Une saison en enfer. C'est inexact. Verlaine a écrit plusieurs fois sur Rimbaud et il lui est arrivé de prétendre que Rimbaud avait composé des poèmes en prose avant le mois de juillet 1872. La première fois, c'est dans sa correspondance privée en 1872. Dans une liste des objets laissés rue Nicolet, il cite "Un manuscrit sous pli cacheté, intitulé la Chasse spirituelle, par Arthur Rimbaud" et "Une 10e de lettres du précédent, contenant des vers et des poèmes en prose." Certes, Verlaine veut donner le change et faire croire que les extraits compromettants que la belle-famille de Verlaine a fait lire à des gens comme Burty et d'autres sont une oeuvre littéraire, La Chasse spirituelle, mais je crois à l'existence d'un dossier de feuillets manuscrits à ce titre. Je pense que réellement Ripbaud avait écrit un tel texte. De cette époque, en compagnie de poèmes qui datent précisément de mai 1872, il nous est parvenu une série de trois feuillets sous le titre Les Déserts de l'amour où il est question d'un héros "n'ayant pas aimé de femme", où il est question d'un "prêtre" qui agissait pour être "plus libre" et où il est question de relation sexuelle avec une inconnue. Je suis convaincu qu'il y a eu un changement de titre des Déserts de l'amour à La Chasse spirituelle, comme il y en a eu un du Livre païen ou Livre nègre à Une saison en enfer. C'est mon opinion. Bienvenu plaide pour l'idée que La Chasse spirituelle n'a jamais existé. Dans tous les cas, cette liste fait la différence entre La Chasse spirituelle et "des poèmes en prose". Si on ne croit pas à l'existence de La Chasse spirituelle, on peut penser que ces "poèmes en prose" sont Les Déserts de l'amour, mais moi je ne le crois pas. Je pense que ces "poëmes en prose" n'étaient pas nombreux, mais qu'ils existaient, et je ne crois pas qu'ils étaient pour accumuler le brouillage entre lettres de Rimbaud et poèmes. Or, dans un article tardif, pour justifier moralement son ami, Verlaine précise qu'avant le départ du 7 juillet 1872 vers la Belgique Rimbaud écrivait des poèmes tels que "Aube" et "Veillées I". J'ai publié cette idée qui a été reprise ensuite par Yves Reboul et, outre le fait que Verlaine tient un discours explicite, elle a donc été avalisée par un rimbaldien.
Je précise que, par son motif de la lumière verbe divin, le poème "Aube" est en phase, très précisément, avec les vers "seconde manière" que Rimbaud a composé en mai 1872, et avec la lettre si poétique de "Jumphe" envoyée à Delahaye.
Il faut ajouter à cela une lettre de mai 1873 de Rimbaud à Delahaye où il est question d'une transmission "de quelques fraguemants en prose de moi [Rimbaud] ou de lui [Verlaine]". Peu importe la différence d'esthétique entre les deux artistes pour ce qui est de la poésie en prose, il est clair que Rimbaud composait des poèmes en prose avant le mois de mai 1873, ce que, de toute façon, la réponse de Bardel dans sa F.A.Q. semble déjà admettre.
Ensuite, Bardel cite précisément l'extrait de la préface sur lequel s'est appuyé Bouillane de Lacoste. Nous l'avons déjà cité pour la première question de la F. A. Q.
    Le livre que nous offrons au public fut écrit de 1873 à 1875, parmi des voyages tant en Belgique qu'en Angleterre et dans toute l'Allemagne.
J'ai déjà publié une anomalie patente d'un tel témoignage. Rimbaud n'a résidé durablement en Belgique qu'en juillet et août 1872. Nous ne pouvons pas dater le début des Illuminations d'un rendez-vous à Bouillon en mai 1873, ni de la dizaine de jours du drame de Bruxelles en juillet, Rimbaud étant d'ailleurs blessé à la main avec "incapacité de travail" (pour citer le dossier du procès), ni du passage rapide en octobre de Rimbaud pour récupérer ses exemplaires. Qui plus est, à cause de la main de Germain Nouveau et à cause du petit nombre de types de papier utilisés pour les transcriptions, il semble admis que la rédaction des manuscrits de poèmes en prose qui nous sont parvenus n'est pas dépassée le mois de juin 1874. Cela pourrait être relativisé pour certains manuscrits, sauf que ceux qui pensent que le recueil est construit et que sa pagination partielle est de Rimbaud s'interdisent eux-mêmes d'envisager des mises au propre plus tardives. Un témoignage de Verlaine invite à penser que le dossier a même été remis à Stuttgart dans les mains de Verlaine, en février 1875, quand Rimbaud venait d'arriver en Allemagne.
J'en ai conclu que Verlaine mentait par des petits décalages pour camoufler le scandale qu'il redoutait, à savoir que le coup de feu de Verlaine sur Rimbaud avait entraîné de la part de Rimbaud un renoncement à la poésie.
Mon argument sur ce passage de la préface et cette conclusion ont été à nouveau reprises par Yves Reboul dans son livre Rimbaud dans son temps.
Il existe donc une forte contestation de la validité du témoignage de Verlaine. Si Rimbaud a écrit des poèmes en prose en Belgique, c'était en juillet-août-septembre 1872, du 10 juillet au 7 septembre. Rimbaud a ensuite pu écrire des poèmes en prose en Angleterre dès le 7 septembre 1872, conséquence logique de notre remise en cause sur le problème belge du témoignage verlainien. Enfin, à l'heure actuelle, personne ne croit à une quelconque composition en Allemagne d'un poème en prose des Illuminations. Personne, malgré la mention "wasserfall" dans "Aube" !
Ce n'est pas tout ! J'ai fait remarquer que du "7 juillet 1872" au drame de Bruxelles en juillet 1873, Rimbaud et Verlaine vivaient la plupart du temps ensemble, ce qui n'était pas encore le cas à Paris entre la mi-septembre 1871 et le 7 juillet 1872. Or, Verlaine n'a jamais témoigné de ce que Rimbaud écrivait en sa présence de juillet 1872 à juillet 1873.
C'est d'autant plus sidérant que, contrairement à moi, la plupart des rimbaldiens considèrent que Une saison en enfer est une composition essentiellement du mois d'août 1873 à Roche. Ce n'est pas mon cas. Je me fie à plusieurs indices et à la date livrée par le poète "avril-août 1873". Très peu de poèmes en vers "seconde manière" nous sont parvenus pour la période "juillet-août 1872".
Surtout, mis à part les "proses en marge de l'Evangile", nous n'avons aucun texte de Rimbaud que nous pouvons dater avec certitude de la période septembre 1872 - mars 1873. Seuls six poèmes non datés pourraient combler cette lacune, mais six poèmes en vers seconde manière qui ont pu être écrits avant septembre 1872 : "Qu'est-ce pour nous, mon Coeur,....", "Mémoire / Famille maudite", "Michel et Christine", "Juillet (Bruxelles)", "Entends comme brame..." et "O saisons ! ô châteaux !", sept peut-être avec un relatif ou hypothétique inédit dans "Alchimie du verbe".
Deux de ces poèmes ont tout l'air d'être des compositions de juillet-août 1872 : "Juillet" qui prend pour cadre un lieu de Bruxelles et s'y revendique, "Michel et Christine" poème en lien avec "Malines" des Romances sans paroles de Verlaine.
Pour essayer de réduire cet écart, il faudrait avec beaucoup d'impudence prétendre que Rimbaud a composé "Les Corbeaux" le mois même de sa publication dans La Renaissance littéraire et artistique et qu'il l'a envoyé exprès d'Angleterre, ce qui n'a pas le sens commun. Il faudrait également que le poème signé "PV" recopié par Rimbaud sur un livre de Félix Régamey ait été composé en septembre même et soit en réalité une composition de Rimbaud, ce qui, encore une fois, n'est pas sérieux, d'autant plus que "Les Corbeaux" et "L'Enfant qui ramassait les balles..." appartiennent à des esthétiques anciennes en regard de l'évolution de Rimbaud. Il faudrait considérer que du temps de son compagnonnage anglais avec Verlaine Rimbaud n'écrivait rien d'important. Même les "proses en marge de l'Evangile" n'ont pas eu d'autre avenir que d'offrir du brouillon, apparemment.
Je prétends que la plupart des poèmes en prose ont été écrits en compagnie de Verlaine et pas seulement entre septembre 1872 et mars 1873, puisqu'il faut y inclure les mois de juillet-août en Belgique selon le témoignage de la préface de Verlaine et d'autres indices invitent à penser que cela a commencé plus tôt encore.
L'idée que les poèmes ont dû être écrits tantôt avant, tantôt après, Une saison en enfer a fait depuis un certain temps déjà son chemin.
Ceci dit, il ne s'agit que d'une concession. Dans le commentaire, il faut toujours considérer que, malgré tout, les poèmes en prose doivent être considérés comme un ensemble postérieur. Certains poèmes peuvent avoir été écrits avant, mais il ne saurait être question d'analyser un quelconque poème à cette lumière-là.
J'ai publié une étude où j'ai montré que le poème en vers "Beams" de Verlaine s'inspirait de "A une Raison" et "Being Beauteous" de Rimbaud. Par conséquent, ces deux poèmes en prose furent composés avant Une saison en enfer.
L'enjeu serait l'interprétation du livre Une saison en enfer qui ne peut pas être un "adieu à la littérature".
Certes, textuellement, Une saison en enfer n'est pas un adieu à la Littérature, mais il contient une critique des conceptions du poète qu'a été Rimbaud.
Pour éviter ce débat, on prétend que les oeuvres sont des projets à part. Il y a d'un côté Une saison en enfer, de l'autre les Illuminations. Le mot "à part" a une signification spéciale. Il n'y aurait pas moyen d'opérer des rapprochements entre les deux oeuvres.
Ceci est absurde. Indépendamment même de la question de la datation, il est normal de trouver quantité d'échos entre ces oeuvres.
Mais il y a un point majeur que les rimbaldiens n'affrontent pas.
Dans "Adieu", le poète se reproche d'avoir cru pouvoir créer "toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames", d'avoir cru "inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues". Tout au long d'Une saison en enfer, le péché d'orgueil est remis en cause. Il l'est dans "Nuit de l'enfer" et il l'est bien évidemment dans "Adieu".
Or, moi, je suis désolé, mais quand je lis dans "Being Beauteous" que se crée "devant nous" un "nouveau corps amoureux", dans "A une Raison" que se célèbre un "nouvel amour" avec une "nouvelle harmonie" et de "nouveaux hommes", dans "Matinée d'ivresse" qu'on a échappé un temps à "l'ancienne inharmonie", que "le rêve fraîchit" dans "Veillées I", qu'une allégorie se manifeste dans "Aube", que "Barbare" célèbre un "pavillon" du côté du pôle, loin des "vieilles fanfares", des "vieilles retraites" et des "vieilles flammes", que, dans "Guerre", il est question d'un affrontement "aussi simple qu'une phrase musicale" avec des visions d'un passé "Enfant", que "Génie" célèbre un modèle de contre-Christ, je n'ai aucun mal à comprendre que le "Adieu" dans Une saison en enfer critique une partie considérable des poèmes en prose eux-mêmes.
Dans "Génie", le poète célèbre "l'orgueil plus bienveillant que les charités perdues". Le poète a-t-il menti quand il s'est dit "rendu au sol" ?
Dans "Bottom", le poète dit "La réalité étant trop épineuse pour mon grand caractère", avec certes une modalité ironique, et dans "Adieu", il parle d'étreindre la "réalité rugueuse". Notez bien la commune terminaison entre "épineuse" et "rugueuse".
Le poème "Conte" est contenu dans "Adieu" et dans "Vierge folle".
Ainsi, contrairement à ce qui se dit, "Bottom" et "Conte" sont en phase avec le discours d'Une saison en enfer. Il faudrait y ajouter le récit "Vagabonds".
Et, enfin, il y a ce poème en trois sections intitulé "Vies", où le poète s'écrie, encore dans l'optique du mage ou ange : "Qu'a-t-on fait du brahmane qui m'expliqua les Proverbes ?" ou "Je suis un inventeur bien autrement méritant que tous ceux qui m'ont précédé, un musicien même qui ai trouvé quelque chose comme la clef de l'amour." Le poème "Vies" entre clairement en résonance avec plusieurs passages d'Une saison en enfer : "est-il d'autres vies ?", "une de leurs autres vies", "sobre surnaturellement", "J'ai créé toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames."
Tous ceux qui ont publié des livres ou d'abondants articles sur Une saison en enfer, ils ne les problématisent jamais ces rapprochements, jamais ! Ni Margaret Davies, ni Pierre Brunel, ni Yoshikazu Nakaji, ni Hiroo Yuasa, ni Mario Richter, ni Christian Moncel, ni Alain Vaillant, ni Yann Frémy, ni Alain Coelho, ni Danielle Bandelier. Steve Murphy, Yves Reboul, Bruno Claisse, etc., eux aussi n'ont jamais dit un mot de ce problème, jamais ! Sur le site d'Alain Bardel, ces rapprochements ne sont pas problématisés. La réponse à la question 3 devrait les convoquer, c'est dans le sujet, mais ça ne l'est pas.
Moi, je le dis frontalement : de tels rapprochements prouvent que la plupart des poèmes en prose ont été écrits avant Une saison en enfer. Je ne connais aucune autre explication logique, et il ne faudrait pas longtemps pour démonter comme vaine l'idée qu'il suffit de considérer que Rimbaud a une rechute ou encore cette autre que Rimbaud est ironique dans "Barbare", "Génie", etc.
 
Evidemment, il y a une exception qui nous vient de Jacques Bienvenu, lequel semble avoir établir que le jeu de mots "peste carbonique" était repris à une erreur dans un article de journal en 1874.
Il y aurait donc à départager ce qui a été écrit avant et après Une saison en enfer.
En revanche, dire que les deux projets sont à part, c'est faux. Les deux projets communiquent sans arrêt. Enfin, les variantes au poème "Barbare" ne refont pas le poème.
Moi, ma thèse, elle est simple. Après Une saison en enfer, Rimbaud n'écrit pratiquement plus. Il cherche à se relancer et, malgré la critique d'Une saison en enfer, il a plein de poèmes qui existent, qui sont là, et qu'il aimerait publier, des vers de 1872 et des proses écrites en 1872 et 1873. Il peut retoucher par endroits ces poèmes, la pratique n'a rien d'exceptionnel. Le fond du problème, c'est que l'invention de quantité des ces poèmes en prose est tributaire d'une position éthique que le poète a rejeté lors de la confection du livre Une saison en enfer.
Si je me trompe, alors j'attends de pied ferme les articles de démenti de Murphy, Claisse, Reboul, Murat et d'autres.
Pourquoi n'avons-nous pas droit à un article de réfutation en règle ?

A suivre...

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