samedi 7 octobre 2017

Un peu d'influence de Philoméla de Mendès sur Rimbaud et Verlaine

Même si Catulle Mendès est à l'évidence un écrivain assez médiocre, il a publié à ses débuts un recueil de poésies qui, malgré une certaine fadeur, n'est pas sans charme dans la facture. Verlaine l'a affectionné, mais il s'en est inspiré également dans ses Poëmes saturniens.
De ce célèbre recueil, une section entière, et pas des moindres, est dédicacée à Catulle Mendès : "Paysages tristes". Il s'agit d'une section aux créations originales, et c'est la deuxième section en quantité de poèmes, après la première série de sonnets réunies sous le titre "Melancholia".
J'insiste sur cette section de sept poèmes "Paysages tristes", parce que le motif qui domine le recueil Philoméla est celui d'un "désespoir" qui vaut damnation, tout en expriment l'abandon à un érotisme lascif. Tout cela se retrouve dans la section de sept poèmes établie par Verlaine.
Le dernier poème des "Paysages tristes" s'intitule "Le Rossignol". Ce poème de Verlaine offre une longue et unique phrase glissant de vers en vers, avec des soubresauts soulignés par un habile jeu de répétitions disséminées dans le texte. Le poème "Le Rossignol" est remarquable par un enjambement de mot sur un adverbe en "-ment":

Qui mélancoliquement coule auprès
La mesure des autres vers est celle du décasyllabe de chanson aux deux hémistiches de cinq syllabes : "Comme un vol criard + d'oiseaux en émoi, / Tous mes souvenirs + s'abattent sur moi, / [...]". Dès le troisième vers, la césure est estompée : "S'abattent parmi + le feuillage jaune", mais selon une configuration déjà bien admise depuis les romantiques de 1830, une telle configuration n'étant même pas complètement inenvisageables chez les classiques. Racine a pratiqué discrètement la césure après une préposition de deux syllabes dans un vers de sa tragédie Iphigénie par exemple. Les vers 4 et 5 sont réguliers : "De mon coeur mirant + son tronc plié d'aune / Au tain violet + de l'eau des Regrets", et c'est au vers 6 qu'intervient l'enjambement de la césure : "Qui mélancoli+quement coule auprès," qui est une reprise du procédé appliqué par Banville en 1861 dans le poème "La Reine Omphale": "où je filais pensi+vement la blanche laine." La différence vient du passage de l'alexandrin au décasyllabe de chanson. Dans le vers de Banville, on peut recréer une symétrie : 4/2+2/4, en s'appuyant sur la référence au trimètre. Le vers a l'air constitué de trois parties de quatre syllabes, ce qui crée une mesure interne, et en même temps si la mesure des deux hémistiches de six syllabes doit absolument prédominer, il n'est pas difficile de scinder en deux parties égales les quatre syllabes centrales. Dans le cas du décasyllabe, aucune compensation rythmique n'est possible.
J'ai plaidé pour une lecture avec une césure à prendre en compte, à cause du rapprochement patent avec le vers de Banville, et donc pour un effet de sens à la césure, alors que le discours était que par exception ce vers n'avait pas de césure à cause d'un enjambement de mot.
La suite du poème de Verlaine est plus régulière à la césure, malgré le rejet de "triste" au vers 15, mais le procédé de chahutage des bornes métriques est reporté à la rime du vers 16, où l'article indéfini "une" se trouve en suspens. Sans la présentation de la page, les lecteurs ne tiendraient pas compte de ce suspens. Aussi, les audaces d'enjambements entre les vers sont un bon indice de la méthode de composition des césures chez un même auteur.
Mais, ce poème contient un autre vers étonnant, le vers 13
De l'oiseau que fut mon Premier Amour,
car nous nous attendrions plutôt à la formule "l'oiseau qui fut mon premier Amour". Certes, à y bien réfléchir, la seconde solution "l'oiseau qui fut mon premier Amour" pourrait être perçue comme plus absurde que la première. Mais, malgré tout, le réflexe premier, c'est de se dire que cet oiseau a été le premier amour du poète, que nous envisagions une métaphore de la femme ou pas.  Il est très peu courant de comparer son amour à un oiseau, surtout que l'expression choisie dépasse le stade de la comparaison. C'est cet amour même qui était un oiseau. Car, en effet, le lecteur peut hésiter sur la lecture, "l'oiseau que fut mon Premier Amour", car nous pouvons comprendre la femme qui était mon Premier Amour, comme le Premier Amour qu'était l'amas des sentiments pour la première femme aimée. Et cela s'accompagne d'un énorme sentiment de deuil. Car ce que dit le poète est assez compliqué. Le passé simple "fut" enferme dans le passé cet amour, mais par les souvenirs il chante encore cet oiseau qui, comme le dit la toute fin du poème, "pleure". ce rossignol est une figure de l'au-delà, du monde des morts. Et ce n'est pas la femme aimée qui, dans ma perception du poème, "l'Absente" est la seule figure morte, c'est le "rossignol" lui-même.
Pour une attestation en ce sens, il faut lire le poème "Le Rossignol" qui ouvre presque le recueil Philoméla. Mendès imagine un instant partagé avec son aimée, et il jalouse le rossignol que celle-ci écoute. Mais ce poème d'une saisissante étrangeté est à l'évidence l'un des plus beaux qu'ait jamais écrit le poète originaire du Sud-Ouest, Bordeaux et Toulouse, puisque, soudainement, la scène se transpose à l'inverse : le poète s'identifie au rossignol et devient jaloux de lui-même au bras de l'aimée. Et l'étrangeté franchissant un nouveau palier, le poète décrit ensuite avec détachement la scène d'enterrement du rossignol par des enfants qui prient pour lui. Verlaine ne s'est pas inspiré du détail des vers, mais il s'est inspiré du cadre surréel de ce morceau.
Or, la section "Paysages tristes" contient un autre poème assez déconcertant intitulé "Crépuscule du soir mystique". Le poème est composé de treize vers sur deux rimes. Il s'agit par ailleurs de décasyllabes, mais littéraires cette fois, c'est-à-dire avec un premier hémistiche de quatre syllabes et un second de six syllabes. Or, deux césures sont fortement chahutées, et nous retrouvons un enjambement de mots, à une époque où ils ne sont vraiment pas devenus usuels en poésie, pas même chez Verlaine, mais aussi un suspense de l'article indéfini "une", mais cette fois à la césure et non plus à la rime. A l'évidence, voilà qui permet de rapprocher "Crépuscule du soir mystique" et "Le Rossignol" au plan de la forme, d'autant que "Crépuscule du soir mystique" brille lui aussi par un jeu habile de répétitions.
Ce poème "Crépuscule du soir mystique" est considéré comme un cas à part dans l'histoire des formes. Dans les Poëmes saturniens, nous identifions des sonnets qui, quelles que soient les excentricités, ont tous des quatrains et des tercets. Nous identifions un certain nombre de poèmes à rimes plates.  Nous identifions des poèmes en quatrains, même en quintils comme "Cauchemar" et "Inititum", avec le décrochage par un blanc du derneir vers dans ce dernier cas. Le poème "Soleils couchants" permet d'identifier des rimes organisées comme pour une suite de quatrains. "Chanson d'automne" est un poème en sizains. Verlaine a composé encore deux poèmes en tierces rimes, modèle donc de la terza rima de La Comédie de Dante : "Sub urbe" et "La Mort de Philippe II". Et nous avons un cas particulier de poème en sizains présentés sous forme de tercets "Un Dahlia" avec une symétrie inverse dans la distribution des rimes entre les six premiers vers et les six derniers. Mais "Crépuscule du soir mystique", treize vers sur deux rimes, les verlainiens ne lui ont pas trouvé de forme à laquelle le reporter. Il ne semble se prêter à aucune forme de régularité.
En réalité, la section dédicacée à Catulle Mendès et la présence de tierces rimes auraient dû les mettre sur la piste. Le recueil Philoméla s'ouvre et se ferme par l'emploi de la tierce rime pour un "Prologue" et un "Epilogue" lourd d'un sentiment de désespoir et damnation qui justifie le renvoi à la forme de la terza rima de L'Enfar du Dante avec une allusion où "vous qui entrez, laissez toute espérance". Et Mendès ne s'est pas arrêté là, puisqu'il a composé une suite de trois poèmes reliés par des chiffres romains I, II et III, suite placée sous un titre "Canidie" qui revient à plusieurs reprises encore pour des sonnets du même recueil.
Et ces trois poèmes sont non seulement des tierces rimes, mais Mendès dit explicitement dans le premier poème de la série "Canidie" qu'il a composé exprès un poème de treize vers sur deux rimes pour exprimer sa douleur.
Verlaine a repris ce projet pour composer "Crépuscule du soir mystique", poème de treize vers sur deux rimes. La différence, c'est que Verlaine n'a pas adopté la présentation typographique de la tierce rime, les treize vers sont fondus en une seule masse, et il a brouillé la distribution des rimes, en s'inspirant pour les douze premiers vers de la symétrie inversée des sizains du poème "Un dahlia", fleur nommée dans "Crépuscule du soir mystique" Je vais présenter le poème ici tour à tour dans la forme brouillée voulu par Verlaine, puis avec les blancs typographiques d'une tierce rime qui vous imposera d'aller relire les quelques poèmes de ce type que j'ai pointés dans Philoméla. Nul doute que vous en saisirez la pertinence au vu de la mention avec majuscule "Espérance" au vers 3.

Le Souvenir avec le Crépuscule
Rougeoie et tremble à l'ardent horizon
De l'Espérance en flamme qui recule
Et s'agrandit ainsi qu'une cloison
Mystérieuse où mainte floraison
- Dahlia, lys, tulipe et renoncule -
S'élance autour d'un treillis, et circule
Parmi la maladive exhalaison
De parfums lourds et chauds, dont le poison
- Dahlias, lys, tulipe et renoncule -
Noyant mes sens, mon âme et ma raison,
Mêle dans une immense pâmoison
Le Souvenir avec le Crépuscule.

Le Souvenir avec le Crépuscule
Rougeoie et tremble à l'ardent horizon
De l'Espérance en flamme qui recule
Et s'agrandit ainsi qu'une cloison
Mystérieuse où mainte floraison
- Dahlia, lys, tulipe et renoncule -
S'élance autour d'un treillis, et circule
Parmi la maladive exhalaison
De parfums lourds et chauds, dont le poison
- Dahlias, lys, tulipe et renoncule -
Noyant mes sens, mon âme et ma raison,
Mêle dans une immense pâmoison
Le Souvenir avec le Crépuscule.
Dans ce nouveau de présentation du poème, nous pouvons constater des jeux intéressants. Notez le chevauchement de tercet à tercet "qui recule / Et s'agrandit". Notez que le premier vers repris en entier au dernier vers se renforce maintenant de l'isolement par un blanc du vers ponctuant une tierce rime. Notez encore que l'autre vers répété intégralement, une énumération de fleurs, est tantôt le dernier d'un tercet, tantôt le premier, avec chacun un vers seulement pour les séparer du fameux vers à enjambement de mot. Appréciez que le premier vers du troisième tercet est le vers 7 d'un poème de treize vers, le milieu du poème et qu'il offre l'image de la boucle par la mention "autour" devant la césure et la mention "circule" à la rime, le mot "treillis" convient dès lors quelque peu à l'image de ce poème que les répétitions font quelque peu tourner sur lui-même. L'enjambement de mot est au vers 8, dans la succession donc de ce milieu de poème.
Il va de soi qu'il faut rapprocher "maladive" de "mélancoliquement" entre "Crépuscule du soir mystique" et "Le Rossignol", comme le jeu sur l'article indéfini "une" impose de rapprocher "immense pâmoison" et "Nuit mélancolique et lourde d'été". La "maladive exhalaison" et cette "immense pâmoison" sont de l'ordre de la mélancolie malsaine. L'enjambement de mot permet de souligner l'équivoque sur "mal", pente infernale : l a césure"Parmi la ma+ladive exhalaison" permet une relecture à effet de sens : "Parmi la maladive exhalaison".
Catulle Mendès s'est autorisé un seul enjambement de mots dans son recueil, mais ilat en 1863 un caractère précoce.

Et quand l'aurore a terrassé la messe noire.

La césure se fait sur la forme verbale "terrassé" et elle dégage significativement le mot "terre" dans un poème intitulé "Le Bénitier" qui engage le salut de l'âme : "Et quand l'aurore a ter+rassé la messe noire" autorise une relecture à effet de sens : "Et quand l'aurore a terrassé la messe noire". L'idée de "messe noire" n'est bien sûr pas absente des deux enjambements de mot de Verlaine dans "'Crépuscule du soir mystique" et "Le Rossignol", d'autant que chez Verlaine il s'agit non de l'aurore mais de l'abandon à la nuit.

En septembre 1871, Rimbaud arrive à Paris. Un mois après, commence si pas les compositions, du moins des transcriptions de poèmes dans un Album zutique. Rimbaud en a recopié quelques-uns jusqu'à la seconde moitié du mois de novembre. Au moment où il cesse d'écrire dans l'Album zutique, un entrefilet, que nous saurons être de Lepelletier, moque la compagnie de Verlaine avec une "Mlle Rimbaut", ce même entrefilet établit une comparaison par le style formulaire entre deux couples : "On remarquait çà et là le blond Catulle Mendès donnant le bras au flave Mérat" et plus loin : "Le poète saturnien, Paul Verlaine, donnait le bras un charmante jeune personne, Mlle Rimbaut". Les commentaires de cette lettre se contentent de relever le persiflage "Mlle Rimbaut" qui signifie que la nature de la relation entre Verlaine et Rimbaud n'est un secret pour personne, tant ils ne font rien pour s'en cacher. Mais, l'entrefilet ayant eu à coeur de signaler ce fait et de le moquer, il ne peut passer inaperçu que la reprise "donnant le bras" et "donnait le bras" permet de considérer que Mérat et Mendès ont joué à se moquer de Rimbaud et Verlaine en se tenant le bras eux aussi, geste peu anodin, devant Léon Valade, Léon Dierx et Henri Houssaye, ce qui au passage nous indique un court moment de rencontre entre Rimbaud et Léon Dierx et Henri Houssaye. Nous ne pouvons que supposer que Dierx et Houssaye se sont rangés du côté des rieurs réprobateurs Mérat et Mendès, Valade lui-même prenant sans doute ses distances, ce qui devrait expliquer l'arrêt soudain des transcriptions sur l'Album zutique dans les jours qui ont suivi.
Cet entrefilet date du 16 novembre.
Dans l'Album zutique, nous n'avons pas de parodie de poèmes de Catulle Mendès à première vue. Il est tout de même évoqué dans le sonnet "Propos du Cercle". C'est Michel Eudes dit Penoutet à qui est attribué ce propos : "Mon vieux ! je viens du café Riche ; / J'ai vu Catulle..." La réplique de Keck, sans doute à l'origine de toute la composition, puisqu'il est l'un des deux auteurs du poème : "Moi, je voudrais être riche", établit bien un distinguo sociologique, mais cela ne veut pas dire non plus que l'hostilité est déclarée à l'égard de Mendès. Il faut rester ici dans la nuance, d'autant que le propos de Penoutet plaide pour des relations cordiales. En revanche, Mendès est l'auteur d'un livre peu favorable à la Commune : Les 73 jours de la Commune. Rimbaud a épinglé avec le quatrain "Lys", l'autre parnassien auteur de livres déjà publiés hostiles à la Commune, Armand Silvestre. Dans "Vu à Rome", notons que Rimbaud cible Léon Dierx et reprend au recueil Philoméla le mot "écarlatine" à la rime d'un octosyllabe. Je n'irai pas faire de cette rencontre entre la mention Dierx et un emprunt à Mendès le signe que "Vu à Rome" a pu être écrit après la soirée à l'Odéon raillée dans l'entrefilet du 16 novembre de Lepelletier. Dierx et Mendès étaient sans doute assez proches à ce moment-là et des éléments biographiques nous échappent certainement. Nous n'avons pas connu le quotidien d'Arthur, la soirée des Vilains Bonshommes du 30 septembre, les diverses rencontres possibles de Verlaine, Rimbaud, Dierx et Mendès.
En revanche, un peu après, Rimbaud a composé un poème "Les Chercheuses de poux" dont le titre fait songer aux "chercheuses d'infini" du recueil Amours et priapées d'Henri Cantel. Ce poème érotique emprunte à un poème lui-même érotique du recueil Philoméla : "Le Jugement de Chérubin". Un jeune homme profite de l'intérêt charnel que deux soeurs lui portent dans chacune des compositions. Le poème de Rimbaud contient des évocations plus nettement sexualisées que dans la pièce de Mendès.
Le poème "Les Chercheuses de poux" correspond ainsi encore quelque peu à l'esprit des parodies zutiques. Les "chercheuses de poux" pourraient être Mérat et Mendès au bras l'un de l'autre moquant Rimbaud. Le jeu allait s'aggraver, puisque Verlaine a écrit une lettre à Mérat pour le sommer d'arrêter ces blagues en février 1872. Le poème de Verlaine "Vers pour être calomniés"' serait en référence aux propos malveillants de Mérat également, tandis qu'un quatrain de "Vers pour les lieux" de Rimbaud est tourné contre Mérat et affiché publiquement et ostentatoirement dans les toilettes du café de Cluny, avec une signification homosexuelle latente.
Mais, cela ne s'arrête pas là. Le sonnet "Oraison du soir" est lui aussi dans la continuité de l'esprit du cercle du Zutisme. Il y est question de scatologie "excréments chauds d'un vieux colombier" ou "Je pisse", "l'âcre besoin", à quoi ajouter "coulures" et "l'air gonflé d'impalpables voilures". Le sonnet "Oraison du soir" semble d'ailleurs s'inspirer du "Sonnet du Trou du Cul", en reprendre l'esprit : "Mille Rêves en moi font de douces brûlures ;" et "Puis, quand j'ai ravalé mes rêves avec soin[.]"
A cause de leur statut dans Les Poètes maudits, "Oraison du soir", "Tête de faune" et "Les Chercheuses de poux" sont nettement distingués des poèmes de l'Album zutique, alors qu'il serait tout à fait concevable d'imaginer Rimbaud ajouter de telles pièces sur le manuscrit de l'Album zutique.
Et justement, arrêtons-nous à la forme du sonnet "Oraison du soir". Dans l'Album zutique, pour un certain nombre de poèmes, la forme adoptée a une signification parodique. Le dizain renvoie automatiquement à la figure de Coppée, quand bien même certains dizains ne se contentent pas d'épignler Coppée, ainsi d'un d'André Gill qui ciblerait plutôt Carjat. Les sonnets en vers d'une syllabes ciblent Amédée Pommier et Alphonse Daudet, lequel auteur des "Prunes" est visé encore par un "Pantoum négligé". La forme sonnet, même si elle ne lui est pas propre, vise le recueil L'Idole de Mérat dans tous les cas. Dans le cas du sonnet "Oraison du soir", la distribution des rimes dans les tercets est remarquable.
En français, les tercets des sonnets forment un sizain, soit la forme marotique bien régulière AAB CCB, soit la forme avec un léger décalage AAB CBC qui est devenue plus courante et qui n'est pas toujours nettement perçue comme forme de sizain, à preuve l'analyse manquée de Banville dans son traité.
Les italiens suivaient d'autres modèles encore, le recueil L'Olive de du Bellay serait un bon témoin de la transition française, à cause d'une organisation des rimes plus aléatoire et plus influencée par les italiens au plan des tercets.
Le modèle pétrarquiste était de tercets sur deux rimes ABA BAB. Ce modèle ne s'est pas imposé en France. Or, quand tout à la fin de la décennie 1820, Sainte-Beuve remet à l'honneur la forme du sonnet, il se laisse troubler par le modèle anglais qui est encore différent. Les sonnets anglais ont plutôt une organisation des rimes en trois quatrains et un distique. La présentation en deux quatrains et deux tercets étant adoptée, cela donne assez souvent l'impression que les tercets de Sainte-Beuve sont construit à l'envers. A partir de là, Musset et Gautier ont produit à leur tour des sonnets avec une organisation irrégulière des rimes. Cela n'a pas duré longtemps dans le cas de Gautier et Musset va s'assagir, tandis que ces sonnets joueront assez peu un rôle de premier plan dans l'histoire de la poésie. Dans les années 1850, Baudelaire et Banville ont repris le flambeau des excentricités romantiques au plan des césure et de la forme des sonnets. C'est à tort que nous leur attribuons l'invention de certains procédés. Baudelaire s'inspirait de Sainte-Beuve, Gautier dédicataire des Fleurs du Mal et de Musset, bien qu'il le haïssait et méprisait. Baudelaire n'a pu s'inspirer de sonnets de Victor Hugo qui n'en avait jamais publié alors, mais il s'inspirait de la facture de son vers de théâtre.
Dans les années 1860, les recueils d'Henri Cantel, Catulle Mendès, Léon Valade et Albert Mérat, malgré les deux premières versions des Fleurs du Mal de 1857 et 1861, sont exceptionnels du point de vue de l'excentricité dans l'organisation des sonnets, essentiellement au plan des rimes, parfois au plan de la forme (Cantel).
Or, je dois vérifier s'il en figure dans Avril, mai, juin, mais Catulle Mendès a déployé dans Philoméla un grand nombre de sonnets avec des tercets alternant deux rimes à la manière italienne, pétrarquiste, alors que ce procédé n'était pas exploité par Sainte-Beuve, Gautier, Musset, Banville, Baudelaire, Cantel.
Ainsi, en 1871 sinon en 1872, quand Rimbaud compose "Oraison du soir" il sait que Mérat, Valade, Verlaine et d'autres vont identifier l'allusion à Mendès.
D'ailleurs, c'est en s'inspirant de Mendès que Verlaine produit un vers final sans rime dans une parodie des sonnets Les Princesses de Banville, puisque Mendès a joué sur la forme pétrarquiste pour créer un orphelin dans un des sonnets de Philoméla, le modèle ABA BAB étant corrompu en ABA BAX où X note l'absence de rime. L'habileté du piège vient de ce qu'il y a trois rimes en A et déjà deux rimes en B, l'isolement du dernier vers est ainsi d'autant plus surprenant que tout le reste rime. On n'a pas deux vers mal rimés, seul un vers pose problème.

Voici le sonnet envoyé par Verlaine à Blémont le 22 juillet 1871 que je cite en l'accompagnant de la note (x) de commentaire par Verlaine lui-même.

Les Princesses CXXV "Bérénice"
Son front mignard parmi sa main toute petite,
Elle rêve, au bruit clair des cascades lointaines,
Et dans la plainte langoureuse des fontaines
Perçoit comme un écho charmant du nom de Tite.
Elle revoit, fermant ses yeux de clématite
Qui font songer à ceux des biches thibétaines,
Son doux héros, le mieux aimant des capitaines,
Et, Juive, elle se sent au pouvoir d'Aphrodite.
Alors un grand souci la prend d'être amoureuse
Car dans Rome une loi bannit, barbare, affreuse,
Du rang impérial toute reine étrangère.
Ah ! ne pas être une humble esclave qu'Il épouse !
Et dans l'épanchement de sa douleur jalouse
La Reine hélas soupire et doucement défaille(x).
(x) Il va sans dire que l'absence de rime n'est que pour exprimer toute la langueur locale.
 Le poème mériterait un commentaire avec l'humour du quatrième vers notamment "tit tit tite".
Remarquons que l'absence de rime est associée à un effet de sens qui implique encore une fois la langueur, comme dans "Crépuscule du soir mystique" et "Le Rossignol" cités plus haut. Or, dans ce sonnet parodiant Banville, nous rencontrons encore un enjambement de mot à la césure, procédé qui pourtant était encore rare sous la plume de Verlaine à l'époque, et sur l'adjectif "langoureuse" bien digne de figurer à côté de "maladive" et "mélancoliquement" traités plus haut. Une première version de ce sonnet nous est parvenue dans la lettre à Léon Valade du 14 juillet 1871, mais avec un dernier tercet entièrement différent qui respectait le sonnet traditionnel français dans l'organisation des rimes. Il n'y avait pas alors de défaut de rime, mais le couple "âme" :: "pâme" dont remarquer qu'il n'est pas absent du "Sonnet du Trou du Cul" : "mon âme" et "l'olive pâmee".
Verlaine s'est donc inspiré d'un sonnet de Philoméla pour sa parodie des Princesses, ce qui passerait sans doute inaperçu si nous ne considérions que les thèmes et les mots, et pas l'organisation des rimes, du moins le défaut de rime, puisque le modèle de Verlaine est marotique AAB CCB perverti en AAB CCX.
Si je tiens compte de l'édition des "Sonnets" de Philoméla telle que j'y ai accès, après un premier sonnet "Le Vaincu" où les tercets ont une organisation inversée des rimes par rapport à la tradition : la forme AAB CBC est retournée en CBC BAA, ce qui fait écho à la pratique beuvienne, nous avons ensuite d'emblée un second sonnet avec une alternance à la manière de Pétrarque, sauf que le dernier vers n'a pas de rime. La provocation est d'autant plus grande que cette forme pétrarquiste n'existe pas en France et ne peut être identifiée d'emblée que par un italianisant. Plus exactement, ce n'est qu'après ce sonnet avec défaut de rime que Mendès va livrer ses premiers exemples de sonnets aux tercets sur deux rimes. Le lecteur comprendra a posteriori le modèle suivi. Mais tant qu'il ne passera pas à la lecture de la suite, le sonnet "Calonice" produire un certain inconfort.


                     "Calonice"

Sur la grande galère à quatre rangs de rames,
Calonice ramène une fille d'Asie
Qui, nue et frissonnante et belle, s'extasie
De fouler des tapis de pourpre aux rouges trames.


" O Vierge, dit la grecque, entre toutes choisies
Pour apaiser mon coeur percé de mille lames,
Tu connaîtras le sens des longs épithalames
Et de mon amitié la chaste hypocrisie !"


Dans l'air, à ce moment, on vit deux hirondelles
Caresser les cheveux épars des fiancées ;
Et la brise chantait : Hyménée ! autour d'elles


Mais la lune baisa les vagues balancées,
Et tu parus, le front couronné d'asphodèles,
O nuit, o blanche nuit, ô nuit mystérieuse !...

A moins d'être inattentif, vous notez que "mystérieuse" finit le poème sans rime en "-ées". Le poème est également tout en rimes féminines pour un sujet saphique. Nous avons bien une structure sur deux rimes dans les tercets ABA BA pour cinq vers, mais comme le modèle ABA BAB est inconnu dans les sonnets de langue française, que Mendès réserve pour la suite de la lecture les premiers exemples, et puisque le lecteur aura éprouvé une saturation subreptice, tous les vers des treize premiers vers ont rimé !, l'isolement du dernier vers ne peut que surprendre, sans que forcément le lecteur ait en tête la rime attendue. Les plus attentifs attendront la rime en "-ées", mais ce qui reste c'est le trouble de l'adjectif "mystérieuse" dans tous les cas. La subtilité vient de la présence du mot "Hyménée" qui en suggère ensuite beaucoup sur le prolongement voluptueux de la "nuit mystérieuse".
Le troisième sonnet introduit enfin le modèle pétrarquiste complet ABA BAB, et ce sonnet porte ce fameux nom "Canidie" déjà associé à la tierce rime de treize vers sur deux rimes.
Les tercets de "Canidie" riment en "-ent" et en "-elles", en "-ment" et en "-nelles" si nous considérons la rime enrichie. Donc nous retrouvons la rime en "-elles" du sonnet défaillant.
Mendès enchaîne avec un autre sonnet "Invitation à la promenade" aux rimes de tercets ABA BAB, et comme il est question du sonnet "Oraison du soir" de Rimbaud qui suit ce modèle, remarquons que nous avons cette fois le (masculin) singulier d'une rime en "-el" et une rime en "-ure". Rimbaud a employé une rime en "-ures" dans ses quatrains. Vu qu'il est question d'une bottine mouillée par la rosée et d'une ceinture flottant au vent, il est bon de citer ce sonnet pour le rapprocher du poème "Oraison du soir". Ce poème contient aussi le mot "croisées" à la rime, mais il est en décasyllabes de chanson, hémistiches de cinq syllabes.

"Invitation à la promenade"

Poète frivole, épris des musées
Et des rouges fleurs en papier gommé,
Tu n'as jamais vu que de tes croisées
La verte splendeur du mois embaumé.

En vérité, ceux qui font des risées
Sur le doux printemps n'ont jamais aimé.
Mouillez ma bottine, ô fraîches rosées
Du bois où bourgeonne et gazouille Mai !
Belle fleur, dis-moi la bonne aventure !
Ah ! mon amoureux, il n'est rien de tel
Que de voir au vent flotter ma ceinture.
De mon doigt rosé comme en un pastel,
Je veux te montrer l'éclat immortel
D'un site charmant comme une peinture.
Rimbaud offre un autre portrait de poète frivole "Je vis assis" et sa bonne aventure passe par des rêves "d'impalpables voilures", "de douces brûlures", de "coulures" où la ceinture sans doute flotte et le cède à une "chope à fortes cannelures" au point que de son doigt ne jaillit pas tout à fait le même genre de peinture : "Je pisse vers les cieux..."
Mendès ne poursuit pas dans son recueil tout uniment sur les rimes de tercets ABA BAB, le sonnet "Le Japacani" adopte la forme marotique AAB CCB. Toutefois, pour le sens, on se plaît à observer des rencontres possibles avec "Oraison du soir" : "Je veux dormir, au nid de mon désir couché !" ou "Je veux que l'on tresse un hamac de liane," ou "Que mon narghilé d'or s'allume [...]" ou "Le tourbillonnement des rêves inouïs" ou "Butinant des senteurs de femme à chaque bouche".
Mais, dès le sonnet suivant "Sur les collines", la forme ABA BAB revient et, si l'attaque du dernier tercet de 'Oraison du soir" est "Doux comme le Seigneur du cèdre et des hysopes," celle du second quatrain du nouveau sonnet mendésien vaut la peine d'être mentionnée : "Plus douce que la voix douce des mandolines," avec sa rime qui fait songer à Verlaine et surtout avec sa répétition de l'adjectif "douce", la seconde fois en rejet à la césure.
Nous pouvons même relever ces vers du premier quatrain :

[...]
Nous verrons de plus près sous les cieux moins pesants
Les nuages pareils aux blanches mousselines
Qui flottent sur le cou des filles de seize ans.

Rimbaud parle d'un "air gonflé d'impalpables voilures", se prête l'aspect d'un "ange aux mains d'un barbier" et se tourne et "pisse vers les cieux bruns".
Et citons alors le dernier tercet du sonnet "Sur les collines" :
Et l'on dira, voyant ton lumineux contour,
Que les Anges vêtus d'air paradisiaque
Descendent sur les monts pour y faire l'amour !
Il semble bien que nous ayons affaire à une source du poème "Oraison du soir" avec "Invitation à la promenade" cité plus haut.
La pratique ABA BAB est une vraie signature du recueil Philoméla, puisqu'elle se prolonge dans le sonnet suivant "La Ruine". En revanche, énième poème à porter le titre "Canidie", le sonnet qui enchaîne a une forme traditionnelle pour les tercets AAB CBC. En revanche, il est question d'un "souffle" qui "est plus pur que le vent aromal", d'un pleur qui lave comme un "flot baptismal", et le poète parle de "[s]on rêve divin pendant la nuit songeuse". Les rapprochements continuent d'avoir de l'intérêt. Le poème satanique suivant "Une voix" revient au mode ABA BAB. J'en relèverais la présence du mot "gourde" à la rime, car ce qu'il convient maintenant de préciser, c'est que Rimbaud a repris à trois reprises la forme spécifique des tercets ABA BAB. Avec "Oraison du soir", il faut citer les deux sonnets dits "Immondes" par Verlaine, deux sonnets baptisés "Stupra" par les surréalistes. Dans l'un de ces deux autres sonnets de Rimbaud, nous avons une rime en "-ource", ce qui me fait noter la ressemblance sonore avec une rime en "-ourde". Mais, donc, les trois sonnets de Rimbaud nous imposent de lire avec un extrême attention les sonnets de Philoméla. Je devrais les citer intégralement ici, et mentionner toutes les idées qui me passent par la tête en fait de rapprochements.
Mais, en gros, j'arrive essentiellement à effectuer des rapprochements avec "Oraison du soir".
Poursuivons.
Le sonnet "La Traversée galante" est en octosyllabes avec une forme marotique AAB CCB. Dois-je relever deux fois "voile" à la rime avec une fois le nom "Ton souffle suffit à ma voile," et une fois le verbe "qu'un brouillard voile". Cela justifie-t-il le rapprochement avec "air gonflé" et "impalpables voilures" ?
Suit un autre poème en octosyllabes "Sonnet dans le goût ancien", et c'est celui auquel Rimbaud a repris le mot "écarlatine" à la rime pour "Vu à Rome".
Nous arrivons ensuite au sonnet "Les Ingénues" dont le titre qui fait songer à Verlaine et aux Poëmes saturniens a le mérite cette fois d'un lien potentiel avec l'emploi du mot "ingéniosité" dans l'un des sonnets dits "'Immondes", d'autant que "Les Ingénues" permet enfin un rapprochement avec l'espèce de description détachée et généralisante qui caractérise les "Immondes", cependant que l'exclamation "Oh ! de même être nus, chercher joie et repos" du dernier tercet du sonnet "Immonde" comportant le mot "ingéniosité" peut faire écho à l'exclamation du premier tercet du sonnet "Les Ingénues" : "O charme ! avoir quinze ans pendant le mois de mai !"
Il convient donc de citer ce poème.

"Les Ingénues"

Elles aiment le bal aux folâtres cadences,
Le valseur dont les yeux s'enivrent de leurs yeux,
Et, le cerveau troublé d'espoirs délicieux,
Elles gardent, la nuit, le souvenir des danses.

Elles se font tout bas de longues confidences
A propos d'un passant à l'air victorieux,
Et leur discours empli de riens mystérieux,
 Chante avec les oiseaux parmi les rameaux denses.

O charme ! avoir quinze ans pendant le mois de mai !
Sentir éclore en soi par un doux sortilège
Les fleurs que l'on envie au jardin parfumé !
N'avoir point de soucis dont le coeur ne s'allège,
Et recevoir, furtive, avec un oeil pâmé,
Le baiser d'un cousin qui revient du collège !
 Les rimes ont bien la configuration pétrarquiste dans les tercets. Ce sera la même chose pour le poème suivant qui a pour point commun avec "Oraison du soir" de moquer les choses de la religion. Le sonnet "La Nonne" décrit le regret d'une vocation contrariant le désir érotique du poète, avec sans doute un vers qui attire l'attention : "Le scapulaire au col et le cilice aux reins".
Le suivant sonnet "Frédérique" poursuit dans cette veine blasphématoire, moins nettement peut-être, mais tout de même il est question d'érotisme non réfréné dans une église avec une parodie du "oui" du mariage. Les rimes des tercets adoptent cette fois une forme italienne inacceptable dans la tradition française. Riment entre eux : les premiers vers des tercets, puis les seconds, puis les derniers, ce qui fait apparaître une série acceptable en Italie, mais pas en France, de trois rimes ouvertes ensemble et non encore refermées. En français, le lecteur est habitué à n'attendre que la conclusion d'une ou deux rimes, pas de trois à la fois. Nous pouvons relever un vers sur le parfum des lieux : "J'aspirai parmi l'air qu'embaume l'encensoir [...]", ce que nous songeons toujours à rapprocher de cet "air gonflé d'impalpables voilures". Le sonnet suivant "L'amour fatal" parle d'une victime "Pauvre fille ingénue" en reprenant notre modèle ABA BAB. Les "désirs" sont présentés comme des "tisons d'enfer" ce que nous rapprochons du vers "Mille Rêves en moi font de douces brûlures".
Le sonnet de décasyllabes "Viduité" est un cas particulier, ses tercets sont sur deux rimes, mais selon une organisation irrégulière ABA BBA qui est plutôt la marque de fabrique de Mérat et Valade dans l'anonyme Avril, mai, juin, sans oublier Cantel ou Musset. Ceci dit, Mendès joue avec son lecteur, car, malgré le jeu de deux rimes on devine l'allusion à la forme traditionnelle inversée pratiquée par l'anglophile Sainte-Beuve.
Le sonnet qui enchaîne porte le titre "Chimères", le nom du alors futur recueil d'Albert Mérat. Il est question du col bruni d'Isis et d'éteindre les lanternes des bouges, mais les rimes des tercets sont dans l'ordre traditionnel cette fois, et je citerais surtout le premier quatrain pour d'éventuels rapprochements :

Il planait dans l'éther, cet océan sans grève,
Traînant l'humanité comme un boulet honni,
Dans l'infinité du ciel immensité du rêve,
Immensité du ciel sur le rêve infini !

Dans le sonnet "Le Thé", Mendès adopte cette fois les tercets chacun sur une rime, procédé qui concerne Cantel, Mérat et Valade également. Désespérant de ramener un grand nombre de rapprochements avec les "Immondes", j'ai envie lâchement de relever la mention du nom "plis". Il est tout de même question de "l'abus du thé" et d'une "langueur que la veillée enfante", ce qui pour les thèmes fait écho quelque peu à "Oraison du soir".
Le sonnet "Ten-si-o-daï-tsin" revient à la forme ABA BAB. Il est suivi par iun sonnet d'octosyllabes "Spleen" aux tercets monorimes (chaque tercet n'a qu'une rime), puis le sonnet "Le Glacier" en alexandrins mais avec à nouveau les tercets monorimes.
On voit que tout cela s'enchaîne sans ordre lisse et net avec des surpises. Le suivant sonnet justement fait revenir le titre "Canidie" mais pour une configuration spéciale quatrain, tercet, quatrain, tercet, où en réalité on a des strophes de sept vers chacune sur deux rimes.
Et enfin nous arrivons au dernier sonnet qui porte un titre qui figure déjà dans le recueil Amours et priapées d'Henri Cantel. La comparaison "comme un oeillet" notamment du "Sonnet du Trou du Cul" vient du sonnet "Ephèbe" de Cantel. Le dernier sonnet de Philoméla s'intitule justement "Ephèbe", et c'est vraiment celui qui peut le plus se rapprocher des deux "Immondes".

"Ephèbe"

Jeune homme sur ton front neigeux comme l'hermine,
Ta chevelure allume un céleste halo ;
Ta joue immaculée où l'incarnat domine
Eût ravi cet amant des roses, Murillo !

A l'époque païenne où Narcisse chemine,
Amoureux de ses pieds d'ivoire, au bord de l'eau,
La Grèce eût reconnu, voyant ta belle mine,
Le frère de Diane ou la soeur d'Apollo !

Mais ces fronts éclatants de lueurs souveraines,
Les Dieux sont en mépris, les Dieux sont au tombea :
Le nocher n'ouït plus la chanson des Sirènes ;
Le ceste de Vénus est un vague lambeau ;
Toi seul, posthume enfant des époques sereines,
Tu portes fièrement la honte d'être beau !
Les rimes ont le modèle ABA BAB et même le rapprochement phonétique est permis avec le sonnet "Nos fesses ne sont pas les leurs..." qui a dans ses tercets une rime "tableaux"::"repos"::"sanglots".
Je ne développe pas encore les rapprochements. Je ne voudrais pas surdéterminer l'avis du lecter par mes propres suggestions. Il faut laisser du temps à la recherche et s'accorder cette espèce de regard provisoire.
Nous reviendrons sur ces trois poèmes "Oraison du soir", "Les anciens animaux...", "Nos fesses ne sont pas les leurs...", nous avons d'autres choses à dire, comme sur "Les Chercheuses de poux".

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