samedi 9 avril 2016

Pistes pour retrouver le Miret de l'Album zutique

Le Miret cité comme un des quatorze membres initiaux du Zutisme dans le sonnet Propos du Cercle est une véritable énigme. Le nom serait étranger, espagnol ou catalan. Miret serait une dénomination hispanique, catalane ou occitane du médecin, la forme Mire se rencontre également. D'après les sites généalogiques, le nom est peu fréquent avec une présence plus élevée à proximité de l'Espagne effectivement et une présence plus élevée dans l'Aisne.
Le nom Miret est présent également en Suisse, il ne faudrait peut-être pas négliger cette piste.
Sur le feuillet manuscrit, sa transcription est nette et sans rature. Il ne saurait s'agit par exemple d'une erreur de transcription pour Gustave Rivet, le futur l'Estraz des Dixains réalistes. Il ne semble pas non plus que Miret soit le pseudo d'une autre personne que nous connaîtrions par ailleurs (Frémine, etc.). Du moins, ce n'est qu'une hypothèse appuyée sur rien pour s'empêcher de chercher.
Enfin, la phrase qui lui est attribuée fait référence à un article sur l'Autriche dans une revue à laquelle il est associé. On peut croire que l'article soit de lui, il s'agirait alors de retrouver un article d'époque sur l'Autriche à son nom. D'ailleurs, un article sur l'Autriche pourrait avoir du sens au sujet de ce poème. En quoi l'Autriche est-elle intéressante à ce moment-là ? Mais, le Miret ne dit pas que l'article est de lui, il dit que l'article se trouve dans sa revue. Serait-il le directeur ou un responsable de la revue en question ? Ou bien quelqu'un qui y publie régulièrement ? Toujours est-il que nous n'avons pas trouvé trace du moindre Miret dans la presse.
Voici en tout cas deux idées qui me tiennent à cœur. Premièrement, la proportion est élevée de membres du zutisme dont le nom commence par un M: Mérat, Miret, Mercier, cela fait du trois sur quatorze et il est fait allusion à Catulle Mendès au vers 3 du sonnet. Deux zutistes ont un nom commençant par un V : Valade et Verlaine. Quatre ont un nom qui commence par C, mais cette lettre est courante à l'initiale des noms et trois sont des frères les trois Cros face à Cabaner. Pelletan va bientôt rejoindre Penoutet, surnom de Michel Eudes dit de l'Hay. Keck, Rimbaud, Gill (encore un surnom), Jacquet complètent la série. On sait que Gustave Pradelle n'a pas fait partie du zutisme, Charles Cros l'a associé en recopiant un poème antérieur qu'ils avaient composé à deux, probablement lors d'un dîner des Vilains Bonshommes d'ailleurs, le poème La Mort des cochons est lui aussi une œuvre à deux, de Verlaine et Valade, qui est recopiée dans l'Album zutique, mais qui vient de plus loin, puisque la correspondance nous dit que ce sonnet figurait dans le "feu album des Vilains Bonshommes". Charles de Sivry n'a probablement pas été un membre du Zutisme, il n'a été libéré que le 18 octobre, il a écrit un mot en passant, mais on ne peut en aucun cas prétendre qu'à partir du 18 octobre il a été assidu aux réunions du groupe d'autant que quelques jours après Valade et d'autres se plaignent que les réunions ne suivent plus. Or, un autre intervenant mystérieux précise un jour en mauvais vers être entré dans l'antre, n'avoir trouvé personne et être reparti. Il a signé soit M tout court, soit J. M., le J n'étant pas complètement évident. Mais il serait étonnant que les noms en M s'accumulent à ce point. Il pourrait bien s'agir du fameux Miret, avec éventuellement un prénom commençant par un J.
Mais, surtout, le nom Miret est rare en France et il n'est pas impossible que ce soit une chance pour les recherches. Ce Miret dit "ma revue", il a l'air placé. Ce nom serait viendrait du Sud-Ouest de la France. J'observe qu'en 1878, peu de temps après, à Cahors, un Camille Miret s'est fait connaître à tel point qu'il a donné son nom à une institution psychiatrique qui existe encore aujourd'hui. Et je remarque que Léon Valade, de Bordeaux, était le fils d'un médecin qui s'occupait dans une institution de sourds-muets. Je trouve que cette piste de recherches n'est pas plus bête qu'une autre, la rareté du nom Miret a de quoi la rendre prometteuse me semble-t-il.

Dans le cas de Jacquet, un nom autrement courant, j'ai déjà proposé une solution sur le net. Il s'agit d'un Jacquet qui prononce volontiers le mot "Zut". Faut juste que je retrouve cela, vu que j'ai tout perdu de mes fichiers sur ordinateur.
Enfin, pour ce qui est de Jean Keck, il faudrait chercher à cerner sa mort éventuelle à Paris à partir des arrondissements que fréquentaient les artistes bohèmes de la fin du XIXe siècle, recherche de longue haleine. C'est un ami et colocataire d'Ernest Cabaner à une époque, mais je remarque que Charles Cros a hébergé Rimbaud et que Charles Cros a dédicacé un poème du Coffret de santal à ce Jean Keck. Du coup, j'ai tendance à penser que ce Jean Keck était d'abord lié à Henry Cros, lequel Henry Cros vantait la reprise de réunions du Groupisme en 1868. Le mot "Zutisme" a été inventé probablement à chaud suite à l'arrivée de Rimbaud à Paris, puisque la légende dit que "Chose" inventa le mot "Zut". Zutisme aurait remplacé le Groupisme des frères Cros, et c'est au sein de ce Groupisme que nous pourrions avoir à chercher la présence de Jacquet et Keck, sinon de ce Miret.
En revanche, dans une édition récente en Garnier-Flammarion de l'Album zutique, Denis Saint-Amand continue d'affirmer que c'est Charles Cros qui a prêté l'Album zutique aux groupe des Vivants : Richepin, Ponchon, Germain Nouveau, Bourget, Bouchor, etc. Je ne le crois pas. C'est Verlaine qui rêvait d'un nouvel album et l'ancien des Vilains Bonshommes a visiblement brûlé dans l'incendie de l'Hôtel de Ville où travaillaient Verlaine, Mérat et Valade, sans parler de Jules Andrieu et Armand Renaud. Bourget a dédicacé deux poèmes à Valade en collant des textes manuscrits dans l'Album. Il me semble évident que c'est Valade qui conservait l'Album. La transmission à Coquelin Cadet est inconnue et pourrait relever d'aléas de l'existence qui certes ont dû impliquer Charles Cros l'auteur de monologues récités par Coquelin Cadet, mais il ne faut pas confondre les plans d'analyse. Charles Cros a recréé un Cercle du Zutisme dans les années 1880, sans doute parce qu'il était l'initiateur du Groupisme vers 1868 et qu'il était l'initiateur des réunions à l'Hôtel des Etrangers en 1871, Rimbaud ayant amélioré le nom Groupisme en Zutisme, sans qu'un sentiment de propriété intellectuelle sur le mot ne se soit fait sentir, voilà tout.
Maintenant, il reste une question, celle de la Revue du monde nouveau où figurent d'ailleurs trois sonnets monosyllabiques de Léon Valade qui proviennent de l'Album zutique. Pourquoi cette revue ne permet-elle pas de résoudre le problème d'identification posé par ce fameux Miret ?
Bref, pour l'instant, il y a surtout une piste Camille Miret à explorer.



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